Sparks

SparksBigger

Sparks (avec Juha-Pekka Marsalo)

Antoine Schmitt, 1998

Performance : dialogue entre un danseur et une entité visuelle.

Ordinateur, caméra vidéo, vidéoprojecteur, algorithme comportemental, interactif avec danseur.
Installation destinée à servir de partenaire à un danseur en situation d’improvisation chorégraphique.
Créée pour le spectacle de Juha-Pekka Marsalo, donné au Théatre Contemporain de la Danse (TCD) à Paris en Novembre 1998.
Une créature artificielle autonome, Sparks, dotée de vision et d’un comportement propre, enfermée dans son écrin-écran, improvise face à un danseur. Le danseur voit Sparks, Sparks voit le danseur, ils dansent l’un par rapport à l’autre. Sparks imite, se gave d’énergie, s’éloigne, s’ennuie, revient. Sparks est pour le danseur une partenaire pleine d’énergie, de lumière et de surprises.

Genèse de Sparks
Au début 1998, j’ai été contacté par Juha-Pekka Marsalo, qui avait reçu une commande du TCD pour faire un solo de 20 minutes. Il avait décidé de travailler en collaboration avec d’autres artistes dans des domaines connexes. Il était intéressé par mon travail utilisant les ordinateurs comme medium, dont lui avait parlé Yvane Chapuis. Il m’a demandé de réfléchir à une proposition d’intervention d’une durée de 5 minutes au sein de son spectacle. J’étais déjà en train de travailler sur “Celui Qui Garde Le Ver” avec Joana Preiss, et j’avais envie de continuer à travailler sur des improvisations entre un performer et une créature artificielle. Après réflexion, je lui ai proposé l’idée de Sparks, qu’il a immédiatement accepté avec enthousiasme. J’ai fabriqué le dispositif et nous avons répété pendant l’été, puis donné la représentation en Novembre. Juha travaillait les autres parties du spectacle avec Anne-Marie Cornu pour une collaboration autour de l’image cinéma 16mm, ainsi qu’avec une metteur en scène de théature pour une partie très théatrale, et enfin avec un musicien pour le dispositif sonore général.
Sparks est à la fois le nom de l’installation et celui de la créature qu’elle contient. La créature est destinée à servir de partenaire au danseur en situation d’improvisation. Sparks elle-même est programmée pour avoir des degrés de liberté. On se trouve donc dans une situation dans laquelle à la fois le danseur et la créature sont libres de leur mouvements, et bougent en fonction de règles internes, et surtout l’un en fonction de l’autre.
En effet, dans le dispositif, Sparks apparaît sur un grand écran vidéoprojeté, et il a taille humaine (bien que sa forme ne soit pas humaine du tout). Sparks bouge sur l’écran et Juha, debout devant l’écran, le voit. Par ailleurs, une caméra placée au pied de l’écran capté l’image du danseur. Cette image est envoyée à l’ordinateur qui l’analyse en temps réel pour en abstraire des informations sur la position et la forme du danseur. Ces informations sont transmis à la partie de l’algorithme qui fait bouger Sparks en fonction de ces informations et de ses états internes. Donc Sparks voit le danseur, et le danseur voit Sparks.
J’avais écrit une description sur papier du comportement général de Sparks, et lorsque je l’ai programmée, j’ai suivi ce plan à la lettre. Tout le travail de répétition a servi à régler les différents paramètres du comportement de Sparks en fonction de celui de Juha, ainsi qu’à mettre au point les conditions de projection et les relations avec les autres parties du spectacle. Il a surtout aussi servi à Juha à s’acclimater au comportement de Sparks, à s’habituer à lui. A la fin, et lors des représentations, je crois que Juha s’était complètement habitué à Sparks. Il le traitait comme un partenaire, comme un Autre, ayant sa manière d’être, ses défauts, sa forme de présence.
Le comportement de Sparks est inspiré du thème général sous-jascent au spectacle qui était “une histoire d’amour entre un danseur et son image”. Sparks est programmé pour avoir tendance à imiter le danseur (comme dans un miroir). Pendant ce temps le danseur joue avec cette imitation, ou danse sans se préoccuper d’elle. Lorsque Sparks a suffisamment emmagasiné d’énergie à force d’imiter le danseur, elle échappe à son emprise et danse toute seule, en se remémorant des mouvements passés du danseur. Sparks a donc une mémoire. Lorsqu’elle danse seule, Juha peut l’imiter, ou non. Au bout d’un certain temps, elle perd son energie, et recommence à imiter le danseur. On a donc un jeu d’imitation et de séparation entre les deux partenaires. Sparks ayant une forme très fluide et dynamique, et que Juha est un danseur très physique, l’interaction entre les deux dégage une energie très forte. Lorsque le danseur s’en va du champ de vision de Sparks, elle se remémore des pas de danse exécutés par le danseur, et en se les remémorant, elle les oublie. Si le danseur ne revient pas, elle finit donc la mémoire vide, et reprends la forme indéfinie qu’elle avait avant l’arrivée du danseur.
Sparks a été une formidable expérience, d’une part par la collaboration exceptionnelle avec Juha-Pekka Marsalo qui était toujours prêt à lancer son corps, son intelligence et son energie dans l’expérimentation, d’autre part parce qu’elle m’avait permis d’aborder les codes et les contraintes de la danse, et de vérifier ce que j’avais perçu avec “Le Ver”, c’est à dire que l’interaction “libre” entre une créature artificielle et un performer était un champ d’expérimentation extrèmement riche et en même temps pouvant s’insérer sans heurts dans des pratiques connues (danse, chant, etc..) En particulier, je crois que ce type d’interaction d’une part apporte une energie (par faute de trouver un mot plus juste) énorme au performer par le simple fait qu’en face de lui il n’a pas un intrument purement réactif, mais une chose qui a sa propre liberté, et d’autre part, la confrontation avec une créature non soumise aux mêmes loi physiques, mais néanmoins dotée d’un comportement propre nous renvoient à la fois au corps physique du performer, ainsi qu’un son comportement propre, c’est à dire à sa présence, ce qui est l’objet même du spectacle.
Antoine Schmitt – Juillet 2000

Le comportement de Sparks
[Notes initiales sur lesquelles Juha et moi nous étions entendus. La version présentée de Sparks suit à la lettre ces notes, à part le fait que dans la représentation, on ne voit pas le public dans l’écran. l’Image-Lumière a ensuite reçu le nom de Sparks, à cause de sa dymanique.]
Une histoire d’amour entre le danseur et son Image-Lumière, son double en image, qui lui échappe parfois. Mon Autre.
L’écran face au public, le danseur dans les coulisses. Sur l’écran, une image miroir du public, avec la scène au milieu, mais pas de danseur. L’écran est un miroir de la salle. Il y a des étincelles de lumières qui errent sur l’écran.
Le danseur arrive dans l’espace entre l’écran et le public. Mais on ne le voit pas sur l’écran-mirroir. A sa place, dans le miroir, les étincelles de lumières se sont rassemblées affectueusement pour former un amas de lumières virevoltantes, ayant plus ou moins la forme du danseur. C’est son Image-Lumière. Son Autre-Lumière. Lui-même, aussi, mais dans l’autre monde, celui des images.
Il bouge, les étincelles suivent ses mouvements. Le nuage se contorsionne, amplifie les mouvements du danseur. C’est un jouet pour lui. Il s’admire, si beau. Il y a tant d’énergie, tant de plaisir dans le mouvement. Les lumières dansent avec lui, elles s’élancent, elles reviennent, vite. Symbiose, jeu, complicité.
Puis elles s’éloignent de plus en plus, elles commencent à prendre leur liberté. Elles ont l’air de vouloir s’amuser toutes seules. L’Image-Lumière se détache du danseur. Doucement, en revenant souvent. Mais elle finit par partir complètement.
Elle refait des mouvements anciens. Des bribes de mouvements connus. Toute seule. Elle s’amuse. Elle se moque. Elle se souvient aussi.
Elle finit par aimer cela. Elle s’éloigne. Elle a même peur du danseur qui tente de l’approcher. Elle tient à sa liberté. Mais elle finit par revenir. Puis elle repart. Elle est fantasque.
Lui, faussement méprisant, tente de la séduire. De l’approcher. Elle fuit, ou non, selon.
Mais elle revient toujours, au bout du compte. Et lui finit par se lasser d’elle.
Il sort de la piste. Elle est triste. Elle refait les mouvements anciens. Elle finit par mourir de solitude.
Jusqu’à ce qu’il revienne.
Antoine Schmitt – Juillet 1998 (modifié Août 2000)

 

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